Friday, April 11, 2014

Article Oxfam Solidarité sur RAEK

REGROUPEMENT DES AGRICULTEURS ET ELEVEURS DE KABARE


RAEK : c’est fort de café
Courtoisie d' Oscar Kubisibwa

Les petits paysans du Sud-Kivu sont pris en tenaille entre instabilité et isolement. Mais ils ne baissent pas les bras. Immersion en pleine relance du café.

C’est l’histoire d’une terre minée par les guerres. C’est l’histoire de femmes et d’hommes qui font face à des défis énormes. C’est l’histoire de producteurs de café qui s’unissent pour mieux se renforcer.

RAEK
QUI ? Regroupement des agriculteurs et éleveurs de Kabare
QUOI ? RAEK rassemble les petits paysans du territoire de Kabare et les accompagne dans tout le processus de production et de vente du café. La scolarisation des enfants, l’amélioration des habitats et la lutte contre la violence faite aux femmes sont au cœur de son action.

« Même si moi-même, je n’ai jamais dû fuir mes terres à cause de conflits, je connais beaucoup de gens qui n’ont pas eu le choix. Souvent, en revenant, ils retrouvaient leurs cultures dévastées. »

Jean de Dieu Mulungu a d’abord tenté de joindre les deux bouts par lui-même. Caféiculteur dans le territoire de Kabare, à l’Est de da République Démocratique du Congo, a bien dû s’y résoudre : sans soutien ni entraide, son exploitation n’allait plus faire long feu. « D’autant qu’aux conflits, s’ajoutent aussi régulièrement les pressions des trafiquants », souligne-t-il. « Ils profitent de la situation pour nous racheter notre café à des prix indécents. De plus, les mauvaises conditions de stockage qu’on connaissait avant nous obligeaient à vendre pour éviter de perdre une partie de la récolte. »

Ce constat, de nombreux caféiculteurs du Sud-Kivu l’ont eux aussi dressé. C’est pourquoi ils ont décidé de s’unir depuis 1992 sous la bannière du Regroupement des Agriculteurs et Éleveurs de Kabare (RAEK) afin de défendre leurs intérêts. Néanmoins, les obstacles se sont révélés très difficiles à franchir. En entendant parler du programme agricole d’Oxfam-Solidarité, ce qui était encore une ASBL à l’époque n’a pas hésité à contacter l’ONG à la fin 2010. Et bien lui en a pris, si l’on en croit Jean de Dieu Mulungu.

« Depuis que je participe au programme de RAEK soutenu par Oxfam-Solidarité, beaucoup de choses ont changé. Et le principal apport est venu des formations pour obtenir un café mieux lavé et donc de meilleure qualité. Mais il y a également le soutien matériel grâce aux outils liés à la culture et à la transformation du café qui nous permettent aussi d’améliorer nos productions. »

Isolement, corruption et groupes armés
De son côté, Patrick Muligano, chargé de programme pour Oxfam-Solidarité qui assure sur place suivi structurel de RAEK, dégage lui aussi de nombreux éléments positifs de cette collaboration qui permet de changer la donne dans la région : « Cela fait déjà plus de 2 ans et demi que nous travaillons main dans la main avec RAEK. Et la collaboration ne cesse de s’améliorer. » « Il faut dire que nous avons déjà parcouru un long chemin car il fallait relancer toute l’activité caféicole dans la région. Les agriculteurs délaissaient de plus en plus cette filière à cause de récoltes trop peu importantes et d’une qualité de café trop mauvaise. Le matériel et les techniques utilisés en étaient la principale cause. » « Une des autres difficultés que rencontraient les caféiculteurs, c’est leur isolement, leur manque de voie de communication avec l’extérieur. Tenter seul de vendre ses produits, de faire face à la corruption et aux groupes armés, est quasiment mission impossible. » Jean de Dieu Mulungu : « Depuis que j’ai rejoint RAEK en 2011, je me rends compte que les caféiculteurs de la région sont très unis. Avec la coopérative, c’est l’esprit de collaboration qui domine. On travaille ensemble pour le bien-être de la communauté, la réussite du projet. »

Stock ad hoc (, c’est capital)
Si elle est encore loin d’avoir atteint tous ses objectifs, la collaboration entre Oxfam-Solidarité et RAEK a permis aux caféiculteurs de s’équiper et de se former. Et qui dit s’équiper et se former dit aussi générer de meilleurs revenus grâce à l’augmentation de la qualité.

A terme, près de 2.000 petits producteurs sont amenés à voir leurs conditions de vie et de travail s’améliorer. RAEK s’est d’ailleurs fixé pour objectifs d’encourager la scolarisation des enfants, l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre la violence faite aux femmes.

La famille de Jean de Dieu Mulungu a pu constater cette évolution avec bonheur. D’ailleurs, ce dernier, qui avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts, ne cache pas une certaine fierté : « Ce que le fait de rejoindre RAEK a apporté à ma famille ? J’ai une femme et 12 enfants, âgés de 10 à 34 ans. Au niveau de l’habitat, nous avons pu mettre des tôles pour couvrir la maison, ce qui nous permet d’avoir enfin un certain confort en étant certains de rester au sec. Et puis, nous avons accès à des petits crédits pour d’autres besoins de la famille qu’on rembourse après les récoltes. »

Oscar Kubisibwa, lui, est l’un des responsables de RAEK, et ce qu’il souligne avant tout sont les progrès réalisés en matière de reconnaissance du statut de la femme. « De nombreux efforts doivent encore être fournis pour ce qui est de la place de la femme. Mais les femmes sont de plus en plus impliquées dans les récoltes, la recherche d’eau, le séchage, et ça leur permet de s’habiller plus facilement et de mieux subvenir aux besoins de la famille. » « Mais il reste des carences. Le Conseil d’Administration ne comprend qu’une femme sur sept membres. C’est trop peu mais les choses changent pas à pas. »

Des grains sur la planche
Cependant, Oscar Kubisibwa tempère son engouement sur la réussite de la collaboration entre sa coopérative et Oxfam-Solidarité. Certes, il ne remet pas en cause les avancées plus que significatives enregistrées depuis 2011. Mais il tient à rappeler qu’il reste encore de nombreux chantiers. « Si les résultats de la collaboration entre RAEK et Oxfam-Solidarité sont très bons, il nous reste encore beaucoup à faire. Les attentes principales de la part des caféiculteurs ? En fait, il y en a trois principales. D’abord, la création d’une station de transformation qui permette de réaliser tout le processus au même endroit, à Kabare. Ensuite, obtenir une certification du commerce équitable (voir encadré) pour pouvoir exporter un peu partout. » « Enfin, il ne faut pas oublier que la plupart des gens ici sont très pauvres. Beaucoup gagnent moins de 2$ par jour. La création d’un fonds de roulement plus large fait dès lors également partie des prochains objectifs. L’idée est de pouvoir faire des prêts plus élevés aux membres de RAEK qui ne devraient pas rembourser avant les récoltes suivantes. » « Mais il s’agit aussi de ne pas être à la merci de mauvaise récolte. Pour mettre en place ce fonds de roulement, il faut avoir les moyens de récolter 19 tonnes de café parche (déjà lavé). En termes de production, on atteint ce niveau, mais nous ne sommes pas en mesure de stocker et de rassembler une telle quantité. »

Des raisons d’espérer
« Désormais », souligne Patrick Muligano, « le café de la région est réputé pour sa qualité. Grâce au nouveau matériel de transformation, il y a un potentiel énorme ici et on n’arrive d’ailleurs pas à collecter tout le café produit. »

« C’est pour ça notamment que RAEK et ses membres nourrissent encore de nombreuses attentes de la collaboration avec Oxfam. Disposer des moyens techniques (containers et moyens de transports) pour une meilleure collecte ou encore obtenir la certification ‘fair trade’ font encore partie de ces éléments cruciaux qui permettront aux caféiculteurs de pouvoir entièrement vivre dignement de leur travail », insiste Patrick Muligano tout en rappelant qu’Oxfam prête une oreille très attentive aux besoins de la coopérative et de ses membres.


Néanmoins, l’un des plus beaux messages d’espoir, signe d’un futur changement en profondeur, provient de Jean de Dieu Mulungu. Car si une chose rend ce caféiculteur particulièrement fier, c’est bien la réussite de son aîné : « Grâce aux revenus supplémentaires générés par la meilleure qualité de notre café, j’ai pu scolariser tous mes enfants. L’aîné, lui, a même décroché une licence à l’université, en santé publique. C’est ma grande fierté mais je ne veux pas en rester là. J’espère bien que tous mes enfants pourront suivre la même voie et terminer des études de haut niveau. »

No comments: